Intervention de Laurent Alexandre

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2023 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Investir pour la france de 2030 ; plan de relance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Alexandre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Les travaux que j'ai conduits sur la mission "Investir pour la France de 2030 " dans le cadre du rapport pour avis de la commission des affaires économiques montrent que le dispositif France 2030, doté de 34 milliards d'euros, présente des défauts majeurs en matière de planification. Je me suis plus particulièrement penché sur deux thématiques stratégiques : la santé du futur et la construction de véhicules électriques en France.

Le plan France 2030 ne répond pas aux besoins humains et écologiques en raison de nombreux manquements : aucune réflexion sur la sobriété ; une stratégie industrielle incohérente qui ne tient pas compte de l'aménagement du territoire, pas plus qu'elle n'identifie de filières stratégiques ; un manque de moyens évident, loin des préconisations du rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur les incidences économiques de l'action pour le climat, qui évalue à 66 milliards d'euros par an les investissements nécessaires à la bifurcation écologique ; trop peu d'exigences écologiques et sociales – je propose de conditionner les aides versées aux grandes entreprises. Enfin, il y a une grande absente dans ce dispositif : la démocratie. Le plan France 2030 n'a fait l'objet d'aucun débat parlementaire ni lors de son lancement ni lors de la définition de ses dix axes stratégiques. Son évaluation est aussi très partiale. Je propose donc, dans mon avis budgétaire, des mesures pour équilibrer la composition du comité de surveillance des investissements d'avenir.

En ce qui concerne la santé, je veux alerter sur des incohérences majeures du plan France 2030, qui a fixé comme objectif la production d'au moins vingt biomédicaments en France d'ici à sept ans. Si j'en crois les acteurs auditionnés, cet objectif ne sera pas tenu.

Mon rapport dénonce un risque plus inquiétant encore : celui que la santé du futur occulte la nécessité de garantir l'accès aux soins à tous les citoyens. Les traitements innovants sont révolutionnaires d'un point de vue thérapeutique, mais ils sont généralement facturés très chers à l'assurance maladie, alors que notre système de soins est en proie à de graves tensions d'approvisionnement en médicaments, au manque pathologique de moyens et à une pénurie de soignants dans tous les secteurs.

Il y a aussi le problème de l'approvisionnement en médicaments du quotidien comme le paracétamol ou l'amoxicilline. Pour y remédier, le Gouvernement compte uniquement sur l'augmentation des prix des médicaments et annonce le possible doublement des franchises pour inciter les industriels à produire en France. Plutôt que de faire payer les ultra-riches de la santé, vous préférez faire passer les gens à la caisse ! Dans mon rapport, je formule des propositions pour faire mieux : appliquer la licence d'office ; recourir à des mécanismes de transparence sur les versements d'argent public dont on pourra tenir compte lors des négociations sur les prix ; créer un pôle public du médicament pour produire des médicaments du quotidien à un tarif abordable et éviter les pénuries.

J'en viens aux voitures électriques, moyen de mobilité davantage décarboné que d'autres. Nous courons le risque de voir émerger une France à deux vitesses s'agissant de l'accès à la mobilité, en raison, tout d'abord, du prix des véhicules électriques.

En effet, il sera difficile, à court terme, de trouver un véhicule électrique produit en France à un prix inférieur à 25 000 euros. Nous risquons de voir apparaître une France à deux vitesses avec, d'un côté, ceux qui auront accès à des solutions de mobilité alternative, notamment grâce aux transports en commun, et, de l'autre, ceux qui n'en auront pas, dans les zones très rurales ou dans certains quartiers urbains. Si la production de voitures électriques constitue un défi majeur pour notre souveraineté industrielle, elle nécessite de revoir en profondeur les relations entre l'État et les constructeurs automobiles.

La puissance publique doit fixer des conditions pour répondre aux besoins humains et écologiques : des exigences en matière d'emplois, de relocalisation des productions, de modèles de voitures moins chers et plus sobres ; des critères d'installation pour mailler le territoire, tenant compte des qualifications ouvrières présentes dans les bassins désindustrialisés. Cette approche sous-tend les préconisations qui figurent dans mon avis budgétaire.

Il est notamment proposé de donner la priorité à la production de véhicules électriques légers, plus sobres, à des prix accessibles, contrairement au choix actuel des constructeurs Renault et Stellantis. Je suggère également de développer les mobilités alternatives et un service de transport collectif public – c'est la mission du Gouvernement.

En raison des nombreux manquements du plan France 2030, je vous invite, chers collègues, à voter contre les crédits accordés à France 2030, et à vous saisir de votre rôle de législateur pour que le Parlement soit enfin associé aux décisions qui engagent l'avenir du pays.

J'aurai l'occasion, tout à l'heure, de défendre plusieurs amendements sur des sujets majeurs comme la démocratie du dispositif, la conditionnalité des aides ou l'accès universel aux soins. Ils seront cette fois-ci, je l'espère, adoptés par l'Assemblée.

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